31 mars 2007

Faites pas les cons...




Foutez moi Sarko dehors !

27 mars 2007

Des gamins

Pardon pour les espaces de plus en plus longs entre chacun de mes billets. Mais ce blog est le mien, et donc il vit à mon rythme, mes respirations sont les siennes, mes silences sont les siens.

Un blog un peu plus aéré, pour ne pas dire aérien, voilà ce qu'il nous faudrait.

Aujourd'hui j'ai passé une journée pleine. Une journée au collège, évidemment.

Comme j'en ai marre de mes collègues - hormis deux ou trois véritables amis, les autres me gonflent sévère - je préfère passer ma journée au plus près des élèves. Plus reposant, plus rafraichissant, plus intéressant.

De fait, étant de réfectoire, j'ai pu me changer les idées en passant de table en table et en échangeant quelques mots avec chacun des 400 élèves qui utilisent le self chaque jour.

Ce qui est intéressant dans un collège comme celui-ci, c’est de constater à quel point ces gosses évoluent dans des mondes différents et imperméables les uns aux autres.
Selon qu’ils seront en « Générale » ou en « SEGPA », qu’ils seront latinistes ou non, qu’ils choisiront Allemand ou Espagnol en seconde langue, disons les choses telles qu’elles sont : selon leurs origines et leurs conditions sociales, ces élèves-là ne vivront pas les mêmes expériences, ne seront pas confrontés aux mêmes soucis, ni aux mêmes problématiques.
En vérité, il y a dans un établissement scolaire, comme dans la société, différents groupes sociaux faisant l’expérience d’autant de réalités différentes.

Ainsi, Camille, élève latiniste de troisième, 15 de moyenne générale, n’a-t-elle pas remarquée aujourd’hui qu’une bagarre violente avait opposé Steven et Sélim, deux élèves de cinquième SEGPA en échec scolaire, simplement parce que l’espace dans lequel elle évolue ne rencontre jamais- et je dis bien JAMAIS - le leur.

Dès lors, comment ne pas voir les barrières sociales qui existent au sein même de ces mini-sociétés que sont les établissements scolaires ?

Pourtant, au-delà de toutes ces différences et ces oppositions fondamentales, il existe un point commun entre toutes ces existences. Par-delà ces abîmes qui ne cessent de se creuser avec l’âge, révélateur tragique de la faillite de notre système éducatif, il y a bien quelque chose qui unit tous ces gamins : le fait, précisément, qu’ils ne sont QUE des gamins.

Ce qui ressemble fort à une lapalissade (« un collège est rempli de collégiens ») est en réalité un argument très puissant contre les défenseurs de la répression des mineurs, très en vogue en ces temps sarkozystes.

On ne peut pas mettre en prison des gosses de 15 ans, parce que ce ne sont QUE des gamins, parce que si on gratte un tant soit peu en dessous de la surface, on s’aperçoit très vite qu’il n’y a que des enfants brisés, détestés, délaissés, abandonnés, violentés, des enfants en manque de reconnaissance, en manque de confiance, en manque de projets, en manque de sens, et surtout, surtout, en manque d’amour.

Parce que lorsque le petit délinquant de 14 ans qui a roué de coups un de ses amis se met à pleurer toutes les larmes de son corps, croyez-moi, il n’y a rien de plus (et rien de moins) à voir qu’un gamin qui chiale, un pauvre gamin qui chiale.

Et dès lors que l’on comprend cela, dès lors que l’on voit derrière la violence et l’insolence les marques de la souffrance et du manque d’amour originels, alors et seulement alors peut se faire une éducation.

Sarkozy veut mettre un flic dans chaque établissement. De la répression et de la crainte naîtrait la possibilité du vivre-ensemble.
Faut-il être à ce point éloigné du monde réel pour ne pas voir que c’est de justice et de respect dont ces gamins ont avant tout besoin.

14 mars 2007

Entre les lignes

J'aimerais bien raconter ce merveilleux concert, cette formidable ambiance, l'attente dans le froid et sous la pluie, les américains déchaînés, j'aimerais en être capable mais il m'est impossible pour l'instant de mettre des mots sur tant d'émotion et tant de bonheur.

Alors parlons d'autre chose. De ma candidature pour Sciences-Po Paris, tiens. Du dossier fastidieux à remplir, des lettres de recommandation à récupérer, des vieux diplômes à retrouver.

Et quand on fouille dans les anciennes chemises de cours qui ont plus de 5 ans d'âge, on tombe forcément sur des choses qui pincent le coeur. Des petits mots d'amour griffonnés sur les coins de page, des "je t'aime" qui se nichent entre deux citations de Montesquieu, des "Mon coeur" qui peuplent des prises de notes trop ennuyeuses.

C'était le bon vieux temps, celui où tu rencontres l'amour de ta vie sur les bancs de la fac (littéralement), où tu suis les cours avec elle, la main droite qui prend les notes, la main gauche sur sa cuisse. Où tout est prétexte à un petit sourire discret entre deux interventions à l'oral.

Bon. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai pleuré à chaudes larmes devant tant de bons souvenirs.
Histoire de me rendre compte à nouveau que je ne l'oubliais pas. Et que je l'avais bien dans le coeur.

Donc si je comprends bien, j'en suis toujours au même point.
Rassurant !

12 mars 2007

Il y a 7 jours .. Salomé

Il y a 7 jours, Lundi 05 Mars, 8H du matin.

J'ai l'esprit un peu embrumé, parce que m'attend le lendemain le concert de ma vie. J'ai l'esprit un peu assombri, parce qu'en entrant dans ma vie scolaire, j'aperçois furtivement le siège sur lequel Salomé avait l'habitude de venir me faire la causette. Ha décidemment, les derniers mois vont être longs, pour sûr.

8H10. Je range quelques papiers, j'engueule quelques élèves, je plaisante avec d'autres, une journée banale se profile, mais quand même, au fond de moi un grand vide.

8H15. Solenne et Jennifer, meilleures amies de Salomé, entrent dans le bureau, la mine sombre. Je les regarde, et nous nous comprenons.

Jennifer : T'as vu hein, il manque quelqu'un quand même.
Moi : Oui, oui, c'est sûr...
Solenne : T'es triste ?
Moi : Bah, oui tu le sais bien.

Et puis... et puis une petite silhouette entre dans la pièce et se plante face à moi en criant "Surprise ". A bien y regarder je le connais ce petit bout de chou qui me fixe le sourire jusqu'aux yeux. Je crois bien que je le connais.

Solenne et Jennifer se marrent, moi je réalise, enfin j'essaye.
Le petit bout de chou est en réalité une petite fille, et dans sa voix résonne une assurance qui n'est pas de son âge.

Solenne et Jennifer se marrent. La petite fille sourit toujours, sans me lâcher des yeux.

"Oh. Salomé."

C'est tout ce qui sort de ma bouche. Les seuls mots que je parviens à bégayer.

Solenne et Jennifer se marrent. La petite fille m'explique quelque chose, mais je ne comprends pas très bien. C'est à la fois très compliqué et très beau à entendre. Il y est question de rester jusqu'à la fin de l'année, de changement de régime, de maman qui ne part plus.

La petite fille sourit toujours, ouvre son sac, en sort une petite sphère rouge, l'ouvre et me tend un chewing-gum : "Tiens, prends en un".

En silence, j'obéis.

Elle : Allez, à plus tard.
Moi (de plus en plus ridicule) : Oui, Salomé, oui.

Solenne et Jennifer se marrent toujours en quittant le bureau. Salomé sourit et s'en va.

J'ai le coeur au bord des lèvres.

...

Quelle belle semaine...

Il y a tant de choses à dire. Permettez que je fasse un billet pour chacune d'entre elles ?

Merci.

04 mars 2007

J - 2


"Oh my God, wait and see what will soon become of me? "

03 mars 2007

L'aveu

"L'aveu est devenu, en Occident, une des techniques les plus hautement valorisées pour produire le vrai. Nous sommes devenus, depuis lors, une société singulièrement avouante. L'aveu a diffusé loin ses effets : dans la justice, dans la médecine, dans la pédagogie, dans les rapports familiaux, dans les relations amoureuses, dans l'ordre le plus quotidien, et dans les rites les plus solennels ; on avoue ses crimes, on avoue ses péchés, on avoue ses pensées et ses désirs, on avoue son passé et ses rêves, on avoue son enfance ; on avoue ses maladies et ses misères ; on s'emploie avec la plus grande exactitude à dire ce qu'il y a de plus difficile à dire ; on avoue en public et en privé, à ses parents, à ses éducateurs, à son médecin, à ceux qu'on aime ; on se fait à soi-même, dans le plaisir et la peine, des aveux impossibles à tout autre, et dont on fait des livres.
On avoue - ou on est forcé d'avouer. Quand il n'est pas spontané ou imposé par quelque impératif intérieur, l'aveu est extorqué ; on le débusque dans l'âme ou on l'arrache au corps. Depuis le Moyen Age, la torture l'accompagne comme une ombre, et le soutient quand il se dérobe : noirs jumeaux.

[...]

L'obligation de l'aveu nous est maintenant renvoyée à partir de tant de points différents, elle nous est désormais si profondément incorporée que nous ne la percevons plus comme l'effet d'un pouvoir qui nous contraint ; il nous semble au contraire que la vérité, au plus secret de nous-même, ne "demande" qu'à se faire jour ; que si elle n'y accède pas, c'est qu'une contrainte la retient, que la violence d'un pouvoir pèse sur elle, et qu'elle ne pourra s'articuler enfin qu'au prix d'une sorte de libération. L'aveu affranchit, le pouvoir réduit au silence ; la vérité n'appartient pas à l'ordre du pouvoir, mais elle est dans une parenté originaire avec la liberté : autant de thèmes traditionnels dans la philosophie, qu'une "histoire politique de la vérité" devrait retourner en montrant que la vérité n'est pas libre par nature, ni l'erreur serve, mais que sa production est tout entière traversée des rapports de pouvoir.
L'aveu en est un exemple.
Il faut être soi-même bien piégé par cette ruse interne de l'aveu, pour prêter à la censure, à l'interdiction de dire et de penser, un rôle fondamental ; il faut se faire une représentation bien inversée du pouvoir pour croire que nous parlent de liberté toutes ces voix qui, depuis tant de temps, dans notre civilisation, ressassent la formidable injonction d'avoir à dire ce qu'on est, ce qu'on a fait, ce dont on se souvient et ce qu'on a oublié, ce qu'on cache et ce qui se cache, ce à quoi on ne pense pas et ce qu'on pense ne pas penser."

Michel Foucault, Histoire de la sexualité - La volonté de savoir