27 mars 2007

Des gamins

Pardon pour les espaces de plus en plus longs entre chacun de mes billets. Mais ce blog est le mien, et donc il vit à mon rythme, mes respirations sont les siennes, mes silences sont les siens.

Un blog un peu plus aéré, pour ne pas dire aérien, voilà ce qu'il nous faudrait.

Aujourd'hui j'ai passé une journée pleine. Une journée au collège, évidemment.

Comme j'en ai marre de mes collègues - hormis deux ou trois véritables amis, les autres me gonflent sévère - je préfère passer ma journée au plus près des élèves. Plus reposant, plus rafraichissant, plus intéressant.

De fait, étant de réfectoire, j'ai pu me changer les idées en passant de table en table et en échangeant quelques mots avec chacun des 400 élèves qui utilisent le self chaque jour.

Ce qui est intéressant dans un collège comme celui-ci, c’est de constater à quel point ces gosses évoluent dans des mondes différents et imperméables les uns aux autres.
Selon qu’ils seront en « Générale » ou en « SEGPA », qu’ils seront latinistes ou non, qu’ils choisiront Allemand ou Espagnol en seconde langue, disons les choses telles qu’elles sont : selon leurs origines et leurs conditions sociales, ces élèves-là ne vivront pas les mêmes expériences, ne seront pas confrontés aux mêmes soucis, ni aux mêmes problématiques.
En vérité, il y a dans un établissement scolaire, comme dans la société, différents groupes sociaux faisant l’expérience d’autant de réalités différentes.

Ainsi, Camille, élève latiniste de troisième, 15 de moyenne générale, n’a-t-elle pas remarquée aujourd’hui qu’une bagarre violente avait opposé Steven et Sélim, deux élèves de cinquième SEGPA en échec scolaire, simplement parce que l’espace dans lequel elle évolue ne rencontre jamais- et je dis bien JAMAIS - le leur.

Dès lors, comment ne pas voir les barrières sociales qui existent au sein même de ces mini-sociétés que sont les établissements scolaires ?

Pourtant, au-delà de toutes ces différences et ces oppositions fondamentales, il existe un point commun entre toutes ces existences. Par-delà ces abîmes qui ne cessent de se creuser avec l’âge, révélateur tragique de la faillite de notre système éducatif, il y a bien quelque chose qui unit tous ces gamins : le fait, précisément, qu’ils ne sont QUE des gamins.

Ce qui ressemble fort à une lapalissade (« un collège est rempli de collégiens ») est en réalité un argument très puissant contre les défenseurs de la répression des mineurs, très en vogue en ces temps sarkozystes.

On ne peut pas mettre en prison des gosses de 15 ans, parce que ce ne sont QUE des gamins, parce que si on gratte un tant soit peu en dessous de la surface, on s’aperçoit très vite qu’il n’y a que des enfants brisés, détestés, délaissés, abandonnés, violentés, des enfants en manque de reconnaissance, en manque de confiance, en manque de projets, en manque de sens, et surtout, surtout, en manque d’amour.

Parce que lorsque le petit délinquant de 14 ans qui a roué de coups un de ses amis se met à pleurer toutes les larmes de son corps, croyez-moi, il n’y a rien de plus (et rien de moins) à voir qu’un gamin qui chiale, un pauvre gamin qui chiale.

Et dès lors que l’on comprend cela, dès lors que l’on voit derrière la violence et l’insolence les marques de la souffrance et du manque d’amour originels, alors et seulement alors peut se faire une éducation.

Sarkozy veut mettre un flic dans chaque établissement. De la répression et de la crainte naîtrait la possibilité du vivre-ensemble.
Faut-il être à ce point éloigné du monde réel pour ne pas voir que c’est de justice et de respect dont ces gamins ont avant tout besoin.